Cinétique du Lactate au Seuil Lactique chez les humains entraînés et non entraînés. Dernières découvertes concernant le Lactate
C'est au Physiologiste de l'Université de Berkeley, George Brooks, que nous devons en grande partie la compréhension du mécanisme du lactate. Avec l'aide de son groupe de chercheurs, il vient de divulguer de nouvelles données sur la façon dont varient la production et l'élimination du lactate à des niveaux d'intensité proches du seuil lactique.
Nous ne pouvons pas oublier la "mauvaise presse" qui accompagne le lactate, fréquemment considéré comme un facteur limitant de notre rendement et souvent associé populairement à cette douleur musculaire qui surgit après un entraînement intense ou une compétition.
Cette douleur est due principalement à la destruction mécanique du muscle au niveau cellulaire. Après un entraînement de haute intensité, un certain pourcentage de nos cellules musculaires présentent des micro-ruptures (une période de récupération est alors nécessaire pour permettre leur reconstruction).
En réponse à l'exercice intense, nos muscles ne produisent pas d'acide lactique mais un composant dénommé Lactate. Dans ce type d'exercice, le besoin d'énergie dans le muscle qui travaille est supérieur à l'énergie qui peut être produite exclusivement à travers le métabolisme aérobie. Mais le lactate a ceci de positif qu'il peut être utilisé par notre corps comme combustible. Tout comme les muscles "adorent" utiliser le glycogène stocké comme carburant, le coeur, lui, adore le lactate.
Ainsi, force nous est d'attribuer au lactate et aux séances d'entraînement qui le produisent un rôle important dans l'amélioration du rendement des sportifs. Le dépassement des seuils lactiques entraînera l'incorporation d'une certaine quantité de lactate au système, à laquelle notre corps devra répondre en l'administrant, ce qui améliorera la réponse de l'organisme face à l'augmentation de sa concentration.
Bien que nous ne soyons pas tous d'accord sur l'interprétation du terme "Seuil Lactique", celui-ci est essentiellement la limite à partir de laquelle le lactate commence à s'accumuler de manière exponentielle ou plus rapidement ; en d'autres termes, le lactate se produit beaucoup plus rapidement qu'il ne peut être éliminé. Sur des sujets entraînés, on observe une plus grande capacité à développer un meilleur rendement avant d'atteindre ce seuil que sur des sujets non entraînés.
Dans cette nouvelle expérience, on a testé six cyclistes de compétition entraînés et six sujets (contrôle) en bonne santé mais non entraînés. Les deux groupes ont pédalé pendant 60 minutes à un rythme correspondant au seuil lactique pendant que l'utilisation du lactate (et d'autres indicateurs) était tracée grâce à la technique des isotopes. Le groupe entraîné a également réalisé une autre séance similaire mais cette fois à un niveau d'intensité 10% inférieur au seuil lactique.
L'expérience avait pour principal objectif de découvrir ce qui produit le seuil. Une des causes habituellement envisagées serait le signal que les muscles ne reçoivent plus assez d'oxygène, ce qui les oblige à fonctionner en mode anaérobie. En revanche, selon ce groupe de chercheurs, il s'agirait plutôt d'une question d'équilibre entre la production et l'élimination du lactate (pour sa réutilisation comme combustible). Et cette nouvelle expérience viendrait à le corroborer.
En premier lieu (et comme on s'y attendait), on a découvert que les sujets entraînés étaient capables de produire et de réutiliser beaucoup plus de lactate au seuil lactique que le groupe non entraîné. Si nous observons les graphiques, nous verrons que les deux groupes présentent au seuil lactique des concentrations de lactate proches des 4 mmol/ L. Mais ne nous y trompons pas; chez le groupe entraîné, la production de lactate à ce stade est environ 60% supérieure et l'élimination /réutilisation, 60% plus élevée ou plus rapide.
Il est intéressant de voir que dans cette étude, le seuil lactique n'est pas le niveau d'intensité auquel l'élimination du lactate est maximisée. C'est à une intensité légèrement inférieure -10% sous le seuil- qu'on a obtenu les plus hautes valeurs absolues d'élimination du lactate, 30% de plus qu'au seuil.
En d'autres termes, la forte augmentation des niveaux de lactate au-dessus du seuil lactique ne se produit pas parce que tout d'un coup, on commence à produire plus de lactate, mais parce que le mécanisme pour éliminer le lactate ne peut plus tenir le rythme. Plusieurs raisons l'expliquent, et entre autres la vitesse à laquelle le lactate peut être transporté à travers les membranes cellulaires, la diminution dans le flux sanguin vers le foie (là où le lactate se transforme en glucose), l'augmentation de l'activation du système nerveux sympathique et ainsi de suite.
L'essentiel est qu'il ne s'agit pas d'une simple question de manque d'oxygène. Alors, que se passe-t-il avec l'entraînement? Le fait que l'élimination maximum de lactate se produise au-dessous du seuil lactique a-t-il une signification?
À ce sujet, Brooks écrit:
"En ce sens, il est intéressant d'observer que dans la plupart des activités aérobies ou de résistance (par exemple le ski de fond ou l'aviron), les sportifs s'entraînent majoritairement à des intensités en-dessous du seuil lactique".
Par conséquent, si notre entraînement a pour objectif d'améliorer l'élimination du lactate, nous nous trouvons dans une situation intéressante. Doit-on entraîner à l'intensité où cette élimination est optimale ou à une intensité supérieure, où l'élimination n'est pas optimale?