Début de l'Accumulation de Lactate dans le Sang comme Variable d'Estimation du Rendement chez les Sportifs d'Élite
Santos-Concejero et al ont publié une étude qui s'intitule «Début de l'accumulation de lactate dans le sang comme un prédicteur de la performance chez les athlètes d'élite» et qui est la base de l'information sur cette page. L'objectif principal de cette étude était de déterminer si l'apparition de l'accumulation de lactate dans le sang (Vobla) est un bon indicateur de la performance de demi-fond et de fond chez les athlètes entraînés. Vingt coureurs ont pris part à cette étude. Tous ont rempli un test progressif maximal sur tapis roulant afin de déterminer les paramètres physiologiques maximales et la Vobla. Les résultats indiquent que la Vobla est fortement associée a la performance de course selon V10K et V3K chez athlètes entraînés
Plusieurs chercheurs ont démontré que dans le rendement en endurance, la capacité à courir sans accumuler de lactate est plus importante que la consommation maximum d'oxygène (VO2max) ou que la dépense énergétique durant la course. Ce concept de seuil anaérobie a été proposé pour la première fois afin d'exprimer la perte de relation linéaire entre la ventilation et la consommation d'oxygène (VO2), qui coïncide avec l'accumulation de lactate dans la sang.
Plus tard, on est revenu à une définition du rythme de travail ou VO2 juste en dessous du point où le lactate commence à augmenter de façon systématique depuis sa valeur au repos lors d'un test d'effort progressif (Wasserman, Whipp & Davis, 1981).
Depuis, différents taux de lactate dans le sang ont été proposés pour mesurer la capacité à réaliser un exercice sans accumuler de lactate, tels que le seuil lactique (LT), l'état stable maximal de lactatémie (MLSS) ou le début de l'accumulation de lactate dans le sang (OBLA).
L'OBLA (Onset of Blood Lactate Accumulation) est l'intensité de l'exercice à une concentration de lactate de 4 mmol, ce qui représente la puissance maximum à laquelle la concentration de lactate reste stable (Figueira, Caputo, Pelarigo, et Denadai, 2008) et correspond à la transition entre une charge de travail tolérable et une intensité supérieure (Chmura et Nazar, 2010).
Différentes études ont révélé l'importance de l'OBLA dans le déroulement de courses longue distance, qui a aussi été suggéré comme un indicateur des adaptations induites par l'entraînement et un discriminateur sensible entre sportifs d'élite et de bon niveau. Quoi qu'il en soit, il faut signaler que bon nombre de ces études ne furent réalisées qu'avec un nombre réduit de participants (Abe et coll., 1999), sur des individus non entraînés (Tanaka, Matsuura, Kumagai, Matsuzaka, Hirakoba et Asan,1983) ou sur des sportifs qui n'étaient pas d'élite (Sjodin et Jacobs, 1981 ; Grant et collaborateurs, 1997).
Par conséquent, le principal objectif de cette étude était d'analyser si la vitesse qui coïncide avec le début d'accumulation de lactate dans le sang (vOBLA) pourrait constituer un bon indicateur pour l'estimation du rendement en course chez des athlètes de fond bien entraînés.
Les 22 athlètes choisis pour l'étude ont participé à des compétitions internationales ou nationales. On a relevé le meilleur score en 3000 m et 10000 m de chaque athlète et calculé le rythme de V3K et V10K respectivement. Les athlètes devaient s'abstenir de réaliser des entraînements de forte intensité ou de participer à des compétitions les jours précédant le test.
La test a commencé à une vitesse de 9 km/h sans échauffement préalable. La vitesse a été augmentée de 1,5 km/h toutes les 4 minutes jusqu'à épuisement, avec une récupération d'1 minute entre chaque palier. Les séances ont été réalisées dans des conditions ambiantes similaires (20-24 º C, humidité relative 45-55%). On a relevé les valeurs de VO2 et de Fréquence Cardiaque et prélevé des échantillons de lactate à la fin de chaque palier.
On a considéré que les athlètes avaient atteint leur capacité maximum lorsque trois des critères suivants étaient remplis:
1) stabilisation de la VO2
2) Quotient Respiratoire QR>1,15
3) dans les 5 pulsations/min. de la fréquence cardiaque maximum théorique (220-âge)
4) concentration de lactate >8 mmol
5) perception subjective de l'effort = 10
Après analyse de ces données, on a procédé à la détermination de la vOBLA des athlètes.
Résultats:
Le graphique montre le rapport entre vOBLA et le rendement en course (V3K et V10K).
Les résultats indiquent que la vOBLA est en étroite corrélation avec V3K et V10K (r=0,561). Plus tard, on a redéfini comme rythme de travail ou VO2 le niveau juste en dessous du point où le lactate commence à augmenter de façon systématique depuis sa valeur au repos dans un test d'effort progressif (Wasserman, Whipp & Davis, 1981).
Débat
La principale découverte de cette étude est la relation significative entre la vOBLA et le rendement en moyenne et longue distance en fonction de la vitesse de course dans les 3000 et 10000 mètres.
Ces résultats coïncident avec des études antérieures, qui ont démontré la validité de la vOBLA comme indicateur pour l'estimation du rendement aérobie (Billat, 1996), en particulier en marathon (Sjodin et Jacobs, 1981) et dans les courses de 16 km (10 milles) ou moins (Tanaka, 1990). À l'inverse, Abe et collaborateurs (1999) n'ont trouvé aucune relation entre la vOBLA et le rendement dans les courses de 10 km et ont suggéré l'utilisation de la Fréquence Cardiaque dans l'OBLA au lieu de la vOBLA. D'ailleurs, leurs résultats pourraient avoir été influencés par les conditions externes des tests hors laboratoire et/ou un échantillon trop petit.
Plusieurs études ont démontré que la vOBLA a une relation significative avec le rendement dans des courses de moyenne distance chez les athlètes d'élite féminines (Yoshida et collaborateurs, 1993) mais pas chez les athlètes d'élite masculins (Grant et collaborateurs, 1997).
Pourtant, cette étude est la première à révéler une relation significative entre la vOBLA et le rendement en moyenne distance par rapport à la vitesse de course chez des athlètes masculins de bon niveau dans les 3000 mètres. Malgré l'importance de ces variables, les coefficients de corrélation dans cette étude n'expliquent qu'un petit pourcentage des performances en 3 et 10 km chez des athlètes masculins bien entraînés.
Par conséquent, les résultats de notre étude, qui porte sur des athlètes d'endurance masculins bien entraînés, ne peuvent être totalement suggérés comme un indicateur d'estimation pour des performances en moyenne et longue distance.
On sait aussi que l'intensité de l'exercice associée à une concentration donnée de lactate dans le sang peut varier considérablement en fonction de la nutrition, du niveau de stress préalable, de la provenance et de la méthode d'échantillonnage du sang (Robgers, Chwalbinska-Moneta, Mitchell, Pascoe, Houmard et Costill, 1990, Coyle, 1995 ; Roecker, Schotte, Niess, Horstmann et Dickhuth,1998 ; Feliu et collaborateurs 1999).
Certains chercheurs ont également suggéré que les 4 mmol de lactate dans le sang ne tiennent pas compte de la variabilité du seuil lactique entre individus et que, pour cette raison, le résultat n'est pas objectif (Stegmann et Kindermann, 1982).
Ces considérations, ajoutées aux conclusions mentionnées précédemment, impliquent que la concentration fixe de 4 mmol de lactate dans le sang peut ne pas représenter la même intensité d'exercice chez des coureurs de différente capacité athlétique.
Malgré les corrélations significatives entre la vOBLA et le rendement dans cette étude et d'autres études préalables (Sjödin et Jacobs, 1981 ; Tanaka & Matsuura, 1984 ; Föhrenbach, Mader et Hollmann, 1987), plusieurs chercheur se sont positionnés contre la vOBLA.
En effet, les valeurs de lactate mesurées dans le sang n'indiquent pas forcément les taux de lactate produit dans les muscles actifs (Gladden, 2004), qui avance aussi que des coureurs bien entraînés tendent à avoir une meilleure capacité d'élimination du lactate (Donovan et Pagliassotti, 1989). Par conséquent, l'utilisation de la vOBLA doit être strictement normalisée ou standardisée ou sinon être maniée avec précaution lors de la programmation des séances d'entraînement, dans l'évaluation de la capacité aérobie ou dans la prédiction du rendement en course.
En résumé, on a observé une étroite relation entre la vOBLA et la V3K et la V10K qui pourrait indiquer que ce paramètre est adéquat pour prédire le rendement en course. Cependant, malgré cette relation significative, les coefficients de corrélation obtenus ne représentent qu'une petite partie de la variance dans le rendement des athlètes bien entraînés de cette étude.
Par conséquent, nous arrivons à la conclusion que la vOBLA est associée au rendement dans les courses de longue distance comme de moyenne distance mais qu'elle doit être maniée avec précaution dans la détermination des temps de rendement.